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Peut-on comparer e-cigarette et cigarette ?

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cigarette-electronique-cigarette-normaleL’OMS s’est déclarée favorable à des mesures d’interdictions de la e-cigarette similaires à celles appliquées au tabac. Mais peut-on comparer ces deux produits ? Décryptage.

QUESTIONS. Un millilitre de e-liquide – ce mélange de propylène glycol et de nicotine avec lequel on recharge les cartouches des cigarettes électroniques – équivaut-il vraiment à un paquet de 20 cigarettes à combustion ; et « un flacon de 10 ml à une cartouche », comme l’annoncent des sites de vente de cigarettes électroniques ? Le dosage en nicotine de 11 mg/ml est-il recommandé pour les fumeurs de 10 à 12 cigarettes ? Et celui de 16 mg/ml pour les gros fumeurs de 15 cigarettes et plus ? Peut-on garantir que le dosage de 11 mg/ml correspond bien aux cigarettes light, celui de 16 mg/ml aux blondes ?

Surtout, ne vous fiez pas à ces arguments souvent entendus ! Encore moins à cette règle apparemment simple selon laquelle « il suffit de multiplier le taux inscrit sur votre paquet de cigarettes par le nombre de cigarettes fumées par jour » pour choisir le dosage de son e-liquide ! Sciences et Avenir a mené l’enquête : tout est beaucoup plus compliqué qu’annoncé ! Et vous livre les clés pour comprendre.

1 – La teneur en nicotine des e-liquides n’est pas toujours celle indiquée sur le flacon

En France, on trouve des flacons de 10 ml et de 30 ml, dosés entre zéro et 19,9 mg de nicotine/ml. Des analyses menées par la FDA (Food and drug administration américaine) et l’université Queen Mary de Londres montrent que les indications peuvent être fantaisistes. Sur 16 marques testées (dont certaines peuvent être disponibles en France via l’Internet) seules trois affichaient la teneur correcte ! L’écart pouvait atteindre 20 % de plus ou de moins. Mieux ! Certains flacons, réputés contenir zéro nicotine, en contenaient. À ce stade de notre enquête, il ne nous est pas possible de dire quelles marques en France seraient fiables ou non. On voit donc l’intérêt d’une réglementation et d’un contrôle de ce type de produits.

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2 – Il y a déperdition de nicotine entre le liquide et l’aérosol

On ne peut pas savoir avec exactitude le taux de nicotine inhalée. En effet, la vaporisation de la nicotine – c’est-à-dire son passage de liquide à l’état d’aérosol après avoir été chauffée par la batterie –  diffère énormément selon les modèles d e-cigarettes, dont le dispositif de chauffage peut-être plus ou moins efficace. Quoi qu’il en soit, près de 60 % en moyenne de la nicotine (de 21 à 85 %) présente dans une cartouche est effectivement vaporisée, selon des travaux de l’université Queen Mary (Londres). Et seule une partie de la nicotine est ensuite inhalée, selon les chercheurs, qui aimeraient que l’on développe de meilleurs moyens pour mesurer cette ingestion ! Conséquence : se baser sur la teneur en nicotine annoncés sur les flacons de e-liquide conduit à surestimer la dose réellement ingérée.

3 – C’est l’aérosol (ou e-vapeur) qu’il faut comparer à la fumée, mais là encore c’est compliqué

Des études ont montré que la délivrance de nicotine n’est pas continue ni uniforme lors du vapotage,  sa densité varie et aurait tendance à augmenter après 150 bouffées. Par ailleurs, la durée, le rythme des inhalations varie fortement entre fumeurs et vapoteurs. Mais des chercheurs ont toutefois tenté d’effectuer des équivalences.

C’est le cas de Macje Goniewicz , de l’université Queen Mary à Londres, qui a développé des « machines à vapoter » (comme il existe des « machines à fumer » chez les cigarettiers traditionnels) inspirées du comportement de dix « vapoteurs » observés pendant un mois. Il a ainsi pu tester une douzaine de marques de e-cigarettes polonaises, américaines et britanniques plus ou moins fortement dosées en nicotine. C’est la seule étude un peu fouillée sur le sujet à ce jour, parue dans la revue Nicotine and Tobacco research de janvier 2013.

« Nous sommes partis du principe qu’une série de 15 inhalations d’une e-cigarette équivaut à fumer une cigarette traditionnelle, explique Macje Goniewitcz, également affilé à l’ université de Silésie (Pologne). Cette série délivre entre 0,025 à 0,77 mg de nicotine. C’est moins que la dose délivrée par une cigarette entièrement fumée, estimée entre 1,54 mg et 2,60 mg, selon les tests effectués par Mirjana Djordjevic et ses collègues de l’American Health foundation (AHF) en 2000 sur des cigarettes légères, moyennes et plus fortes. »

Deux précisions s’imposent cependant : Goniewicz compare ses résultats sur la e-cigarette à ceux de l’AHF sur la cigarette traditionnelle. Or l’AHF, un centre américain de prévention du cancer qui a fait une faillite frauduleuse en 2004 avait utilisé pour cette étude des machines à fumer spéciales, mimant le comportement des fumeurs, mais qui ne sont toujours approuvées par les autorités.

Par ailleurs son calcul inclut des cigarettes traditionnelles fortement dosées en nicotine (1,2 mg) et interdites de commercialisation en Europe. Naturellement, l’industrie du tabac conteste ces chiffres en les minorant. Ainsi, selon British American Tobacco, la fumée de cigarette contiendrait seulement entre 0,05 mg et 0,2 mg de nicotine par « bouffée » de 70 ml. Elle a utilisé des machines à fumer en vigueur, approuvées par les autorités mais extrêmement critiquées par les tabacologues.

C’est là que subsiste le dernier écueil pour qui veut comparer e-cigarettes et cigarettes traditionnelles : les spécialistes s’écharpent sur la meilleure façon de calculer la teneur en nicotine d’une cigarette à combustion.

4 – La véritable teneur de la fumée en nicotine n’est pas indiquée sur les paquets de cigarettes traditionnelles

Un cylindre de cigarette contient entre 12 et 18 mg de nicotine naturellement présente dans la plante de tabac commun (Nicotiana tabacum).

La fumée d’une cigarette, elle, contiendrait de 0,1 à 0,8 mg de nicotine, selon les indications portées sur le paquet. Mais ces mesures ne seraient pas fiables, selon de nombreux scientifiques :  elles sont en effet obtenues par les machines à fumer, mises au point par les industriels. «L’aspiration mécanique des machines à fumer ne reproduit pas le comportement tabagique humain et sous-estime systématiquement le comportement réel » pointe ainsi Greg Connolly, du Centre de contrôle du tabac de Boston.

Le manque de fiabilité de ces machines a été mis en lumière après les tests apparemment « positifs » de cigarettes abusivement dites « légères » (en nicotine, en goudron etc)… Alors que dans la réalité les fumeurs ont tendance à prendre des bouffées plus fortes et plus fréquentes pour obtenir leur dose en substance psychoactive. Pour le pneumologue Bertrand Dautzenberg qui privilégie des méthodes de calcul plus sévères mises au point par des canadiens, il faut multiplier les chiffres des fabricants par trois à six pour obtenir un résultat plausible.

5 – Enfin, il y a déperdition de nicotine lors de la combustion

La nicotine est inhalée, recrachée, mais part aussi en fumée quand on laisse la cigarette brûler (ce qu’on appelle la fumée secondaire). La perte serait d’environ 70 % à 75 %, selon le tabacologue et pneumologue Bernard Dautzenberg, de l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière.

En conclusion

Les indications de teneur en nicotine indiquées sur le flacon sont souvent fantaisistes, tout comme les indications en nicotine portées sur paquets de cigarettes traditionnelles . Il y a une déperdition de nicotine entre l’e-liquide et l’aérosol, de 60 % en moyenne. Et on ignore combien le vapoteur en ingère exactement, cela pouvant varier notamment selon la profondeur des aspirations. Dans les e-cigarettes, qui vaporisent efficacement de la nicotine, le montant inhalé à partir de 15 bouffées serait plus bas comparé à celui d’une cigarette conventionnelle, selon la seule étude un peu poussée sur le sujet. Pour savoir quelle dose de nicotine est délivrée au consommateurs, il parait donc important de refaire des études et des mesures, surtout si la e-cigarette devient un médicament. Rendez vous dans trois à cinq ans… Sciences et Avenir refera les calculs avec vous.

À noter que la réglementation européenne interdit les cigarettes qui libèrent plus de 1mg de nicotine par cigarette mesurée par les machines à fumer.

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