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Un amendement au projet de loi santé, actuellement en discussion au Parlement, prévoit de bannir l’usage de la cigarette électronique dans les collectivités, notamment dans les entreprises. Des médecins ont rédigé une charte afin que les vapoteurs puissent l’utiliser sur leur lieu de travail sans gêner leurs voisins. Ils prônent un usage responsable. Le Dr Philippe Presles, tabacologue, répond à nos questions.
Paris Match. Le plan de lutte contre le tabagisme, dont les nouvelles dispositions sont actuellement en discussion, prévoit de bannir la cigarette électronique des lieux de collectivité. Quel est le regard du tabacologue sur cet amendement ?
Dr Philippe Presles. L’amendement, quand on le lit tranquillement, n’est pas si catastrophique, mais il présente le risque de faire des amalgames. Il interdit l’usage de la cigarette électronique dans les établissements scolaires, les transports collectifs, et les entreprises. En revanche, on peut l’utiliser si l’on est seul dans son propre bureau. Le texte précise que les entreprises doivent prévoir des zones pour vapoter et qu’elles doivent s’organiser pour ne pas traiter de la même façon vapoteurs et fumeurs. Par exemple, les zones de vapotage n’ont pas à être délimitées par des murs ou équipées de système de ventilation étant donné que le vapotage passif n’est pas avéré. La loi va préciser tout cela dans un décret au conseil d’Etat.
Quel genre d’amalgame risque-t-on de faire?
Je croise des DRH régulièrement. Pour eux, le vapotage sera strictement interdit dans les entreprises.
« L’AMENDEMENT SUR LA CIGARETTE ÉLECTRONIQUE N’APPORTE RIEN, SINON DE LA CONFUSION »
Quel est le risque d’exclure à la fois les vapoteurs et les fumeurs ?
Dans la plupart des entreprises qui ont interdit le vapotage, beaucoup des vapoteurs qui se sont retrouvés obligés d’aller dehors rejoindre leurs collègues fumeurs se sont remis à fumer. L’expérience nous montre que c’est une cause de rechute. Plutôt qu’ils se retrouvent dehors, il vaudrait mieux que le plus grand nombre vapote, pour la santé de tous. C’est la raison pour laquelle SOS addictions et Aiduce considèrent que le plus simple est de ne pas voter cet amendement qui n’apporte rien, sinon de la confusion.
Vous avez rédigé, avec les médecins de SOS addictions et de Fédération addiction, le texte* de la «Charte du vapoteur». Quelle est son utilité ?
Notre charte vient expliquer comment bien utiliser la cigarette électronique en entreprise. Elle incite au respect mutuel. Les 9 points sont des points de bon sens : faire de moins de vapeur possible (on peut le faire et on explique comment), ne pas utiliser des arômes qui peuvent incommoder les autres, respecter une distance d’au moins 2 mètres (ce qui n’est pas difficile). Si on respecte les règles, on peut utiliser la cigarette électronique sans gêner les autres. Par ailleurs, elle est utile, quel que soit le vote. Si l’amendement n’est pas voté, il est important d’avoir une charte de bon usage de la cigarette électronique dans l’entreprise. Cela va rassurer les DRH. Si l’amendement passe, notre charte apportera une aide. Le gouvernement écrira demain un décret, autant qu’il s’en inspire.
« LA CIGARETTE ÉLECTRONIQUE EST EN TRAIN DE RINGARDISER LE TABAC”
Dans le plan national de lutte contre le tabagisme, au cœur de la loi Santé de Marisol Touraine, on entend surtout parler du paquet neutre (sans logo), beaucoup moins de la cigarette électronique…
Notre ministre est entourée de beaucoup de gens, notamment de ceux qui, dans la lutte antitabac, sont depuis trente ans sur une stratégie de « dénormalisation » : enlever tout geste, toute fumée ou vapeur. En normalisant le comportement, on « dénormaliserait » la cigarette. Comme en atteste le niveau des ventes de tabac resté stable, on voit bien que cette « dénormalisation » ne marche pas. Nous sommes aujourd’hui dans une deuxième étape de la lutte contre le tabac, celle des substituts efficaces. La cigarette électronique présente des résultats bien plus performants que ceux des patchs et des gommes. Aujourd’hui, près d’un million de personnes en France ont arrêté de fumer grâce à elle. Ça marche tellement bien qu’on prévoit, dans dix ans, autant de ventes de cigarettes électroniques que de tabac. Le paradoxe de ce type de loi, c’est que l’on ralentit la diffusion de la cigarette électronique des industriels indépendants, ce qui laisse le temps aux marchands de tabac à la fois d’écouler leurs cigarettes et de préparer leurs propres cigarettes électroniques. Personnellement, je trouve cela regrettable.
Que répondez-vous à l’argument selon lequel la cigarette électronique serait une porte d’entrée vers le tabagisme?
Non seulement c’est faux, mais c’est l’inverse qui se produit. Depuis 2012, le tabac est en régression chez les jeunes qui sont de plus en plus nombreux à vapoter. Ils y prennent du plaisir, tout en sachant que c’est bien mieux pour leur santé. La cigarette électronique est en train de ringardiser le tabac.
* Les 9 commandements de la Charte du vapoteur
1. Le vapoteur doit s’assurer auprès de ses collègues de bureau que sa pratique ne les dérange pas, et discuter avec eux de la manière de s’organiser en bonne intelligence.
2. La pièce doit être normalement aérée ou ventilée (qu’il y ait vapotage ou pas).
3. Une distance minimale de deux mètres entre le vapoteur et les autres semble raisonnable.
4. Le choix d’arômes doux est à privilégier, comme ceux de fruits.
5. La production de vapeur peut être minimisée, soit en inhalant un peu plus longtemps la vapeur, soit en ajustant le voltage des dispositifs, ou encore en privilégiant du matériel qui ne produit pas de gros nuages de vapeur.
6. De manière à diminuer son nombre de bouffées quotidiennes, le vapoteur peut utiliser des e-liquides plus fortement dosés en nicotine, ce qui diminuera ses besoins.
7. Lors de longues réunions, le vapoteur peut utiliser des formes orales de nicotine comme des gommes ou des pastilles.
8. Le vapoteur doit s’abstenir si des enfants ou des adolescents sont présents dans la pièce, de manière à respecter l’esprit de la loi, dont l’objectif est de les soustraire de toute influence pouvant les inciter à débuter une pratique qui ne leur est pas destinée.
9. Quand des collègues toussent, il convient de s’assurer que la cigarette électronique ne les dérange pas temporairement.
Signataires :
- Coordinateur : Dr Philippe Presles, tabacologue, membre du comité scientifique de SOS Addictions et membre du collège scientifique de l’Aiduce.
- Pour SOS Addictions, son Président, Dr William Lowenstein, spécialiste de Médecine Interne et addictologue.
- Pour Fédération Addiction, son Président, Dr Jean-Pierre Couteron, psychologue clinicien, addictologue.
- Pour l’Aiduce, son Président, M. Brice Lepoutre.
Source : http://www.parismatch.com