Source: http://www.parismatch.com
Paris Match a rencontré Hon Lik, l’inventeur chinois de la cigarette électronique, de passage à Londres pour annoncer le lancement de la e-cigarette Jai chez les buralistes français.
Copié partout en Chine et contré par l’industrie du tabac, il lui aura fallu attendre dix ans pour que son innovation, brevetée en 2003, soit désormais protégée par un partenaire de taille, le géant britannique Imperial Tobacco. Sa filiale, Fontem Ventures, dédiée aux produits sans tabac, a racheté les brevets de l’inventeur. Et lance des procès contre ses concurrents pour contrefaçon. Une belle revanche pour Hon Lik qui annonce aujourd’hui le lancement de la cigarette Jai : une vapoteuse aux normes hyper contrôlées, distribuée en France chez 7 000 buralistes. Egalement un signe de l’emprise influente des géants du tabac sur ce marché, alors que se joue actuellement une réglementation, en Europe, qui pourrait leur être favorable.
Paris Match. Comment l’idée de créer une cigarette électronique vous est-elle venue ?
Hon Lik. Cette invention s’est faite par hasard… Et ce sont les patchs de nicotine qui me l’ont inspirée ! Gros fumeur depuis mes 18 ans (entre deux et trois paquets par jour), chacune de mes tentatives d’arrêt se soldait par un échec au bout de quelques mois. J’ai alors essayé les patchs de nicotine à partir de 2002, quand ils commencèrent à être en vogue en Chine. Une nuit, alors que j’avais oublié de retirer mon patch, j’ai fait des cauchemars atroces. Je me suis dit que c’était lié au patch. J’ai voulu vérifier et retenter l’expérience en le gardant pour la nuit. J’ai à nouveau fait de nombreux cauchemars. J’en ai conclu que la nicotine stimulait considérablement notre cerveau, surtout quand on dort. Le spécialiste de médecine chinoise que je suis, grand fumeur de surcroit, a pu constater que ces patchs étaient insuffisants pour satisfaire mes besoins en nicotine. Mon envie de fumer revenait au bout d’une semaine. Quand on fume une cigarette, la nicotine monte rapidement au cerveau, et crée un “pic”, contrairement au patch qui maintient un niveau régulier mais relativement bas de nicotine. Finalement, ce sont les patchs qui m’ont permis de comprendre que le pic était important pour le fumeur et que le niveau de nicotine atteint avec cette méthode de sevrage était insuffisant, et entraînait des perturbations du sommeil. J’ai donc cherché à reproduire ce pic de nicotine dont les fumeurs ont besoin.
« L’OMS ADMET AUJOURD’HUI QUE LA CIGARETTE ÉLECTRONIQUE EST BIEN MOINS NOCIVE QUE LE TABAC »
Que pensez-vous des études qui alertent sur les risques nocifs de la cigarette électronique (présence de formaldéhyde, traces de métaux lourds…) ?
On parle de substances cancérigènes qui seraient contenues dans la cigarette électronique mais on ne les compare jamais avec celles contenues dans d’autres produits couramment consommés tels que les viandes grillées, la bière… Ce sont des informations incomplètes qui effraient les consommateurs. C’est injuste, non seulement pour les professionnels de la cigarette électronique mais pour les utilisateurs. Quand on allume une cigarette traditionnelle, celle-ci produit plus de 5 000 substances chimiques, parmi lesquelles plusieurs centaines sont très dangereuses pour notre santé. On n’a aucun contrôle sur les substances nocives produites par la cigarette. A l’inverse, la cigarette électronique, qui ne contient aucun élément chimique lié à la combustion, permet de contrôler les substances utilisées. Assez prudente au départ, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) admet aujourd’hui que la vapeur produite par la cigarette électronique contient bien moins de substances nocives que la cigarette traditionnelle. Cela commence d’ailleurs à faire consensus au sein des instituts de recherche et parmi les experts de santé publique.
« MON ALLIANCE AVEC FONTEM VENTURES EST UN PARTENARIAT IDÉAL »
Dix ans après votre invention, vos brevets ont été rachetés par Imperial Tobacco. Pourquoi autant de temps?
Auparavant, ma société avait discuté avec de grands groupes du secteur mais nous n’étions pas parvenus à des accords pour diverses raisons. En réalité, j’ai revendu mes brevets à Fontem Ventures, filiale d’Imperial Tobacco Group. Cette filiale propose des alternatives à la cigarette traditionnelle (cigarette électronique, patchs, inhalateur de nicotine…). Les capacités en recherche et développement de la maison-mère, Imperial Tobacco, sont particulièrement importantes. Cette société accorde une grande importance à la propriété intellectuelle et recherche des produits de grande qualité. Ce qui correspond à mes attentes. C’est ce qui en fait un partenariat idéal pour moi. Fontem Ventures ne vend pas de cigarettes traditionnelles, mais elle bénéficie d’un réseau de détaillants qui permet de diffuser cette cigarette électronique.
Selon vous, quel est le circuit de distribution le plus légitime pour la cigarette électronique? Partout ? Chez les buralistes ? Dans les pharmacies ?
Cela dépend des pays. Aux Etats-Unis, on peut en acheter dans les superettes ouvertes 24h/24. Distribuer les cigarettes électroniques via les pharmacies ne serait pas très pratique pour le consommateur, qui aurait peut-être plus de mal à l’accepter : fumer n’est pas une maladie, c’est une habitude. La cigarette électronique serait plus accessible chez les buralistes. Comme elle répond à un besoin des fumeurs, ce réseau est peut-être le plus adapté en France.
« UN INDUSTRIEL DU TABAC EST LE MIEUX PLACÉ AUJOURD’HUI POUR DIFFUSER LA CIGARETTE ÉLECTRONIQUE »
N’est-ce pas paradoxal de vous allier avec un industriel du tabac alors que vous combattez le tabac ?
Les cigarettiers, dont Imperial Tobacco, constatent que la consommation de tabac dans les pays développés n’a de cesse de diminuer. C’est une tendance inéluctable.La cigarette électronique est aujourd’hui la meilleure alternative à la cigarette traditionnelle et un industriel du tabac est le mieux placé pour la diffuser.Si ce sont d’autres entreprises qui la diffusent, elles feront face à différents obstacles. Le partenaire avec lequel j’ai établi cette alliance n’est pas la question fondamentale. C’est le choix des consommateurs qui, à l’avenir, permettra de prouver que ce partenariat permet une diffusion plus large de ce produit.
« LA RÉGLEMENTATION EUROPÉENNE PERMETTRA UN DÉVELOPPEMENT PLUS SAIN DE LA CIGARETTE ÉLECTRONIQUE »
Jamais les ventes de tabac n’ont baissé aussi vite que depuis l’arrivée de la cigarette électronique. Les défenseurs de la vape (médecins et associations d’usagers) redoutent que la réglementation européenne, en s’alignant sur celle du tabac, ne finisse par étouffer, voire tuer une alternative efficace au tabac. Qu’en pensez-vous ?
La directive européenne sur le tabac a pour but de préserver la santé des consommateurs et de protéger aussi les non-fumeurs du tabagisme passif. A mon avis, elle ne provoquera pas l’étouffement de ce marché. Le développement de la cigarette électronique, en Europe et aux Etats-Unis, est en progression. De plus en plus de gouvernements et d’experts voient cela d’un bon œil. Je ne suis pas expert en la matière, mais en tant que professionnel, j’espère que les gouvernements soutiendront le développement de la cigarette électronique et mettront en place des législations positives en termes de santé publique. Si son impact sur les enfants ou les jeunes est relativement limité, il faudra légiférer et interdire sa vente aux mineurs et son utilisation dans certains lieux publics. Il faudra aussi imposer des normes aux fabricants. La sécurité doit être une préoccupation importante dans ce domaine.La mise en place de législations ne va pas tuer ce marché. Au contraire, elle permettra à ce marché de connaître un développement plus sain.Le consommateur pourra acheter des cigarettes électroniques aussi facilement que des cigarettes traditionnelles. Il aura accès à un choix libre et juste d’acheter, soit des cigarettes électroniques soit des cigarettes traditionnelles.
Jusque-là, les cigarettes électroniques produites par l’industrie du tabac n’ont pas eu de succès auprès des vapoteurs qui préfèrent les modèles, plus évolués, rechargeables avec réglage de puissance. Quelle est la valeur ajoutée de la cigarette électronique Jai ?
Fontem Ventures a investi considérablement en recherche et développement pour améliorer la technologie de ce produit dont les matériaux sont aux normes de la FDA. Les liquides utilisés sont achetés en Allemagne ou en France et entrent dans la catégorie des additifs alimentaires. La nicotine est produite en Suisse par des sociétés pharmaceutiques. Les emballages utilisés sont validés au Royaume-Uni. Ce produit répond aux plus hauts standards de qualité, ce que je ne retrouve pas dans les autres produits disponibles sur le marché. De nouveaux brevets sont en cours. Nous allons continuer d’améliorer nos produits. De nouveaux modèles vont bientôt sortir, qui auront une capacité de recharge plus importante.
« DE NOUVEAUX CONCEPTS DE CONSOMMATION APPARAÎTRONT »
Est-ce que pour vous la cigarette électronique reste un moyen d’arrêter de fumer ou est-ce un art de vivre à part entière ?
Je l’ai conçue comme un produit accessible à tous qui permet différents usages. Evidemment, l’usage que l’on en fait dépend du but recherché. Différentes tendances apparaîtront à l’avenir : certains choisiront d’arrêter de fumer, d’autres remplaceront le tabac par la cigarette électronique. Peut-être qu’on ne choisira plus de remplacer toute cigarette traditionnelle par une cigarette électronique et les limites seront plus floues. Ceux qui apprécient la nicotine comme un stimulant, à l’instar de la caféine, utiliseront la cigarette électronique car les dangers sont limités. Il y aura sûrement de nouveaux concepts de consommation liés à ce produit.
Fumez-vous encore du tabac ?
Je peux ne pas fumer pendant un ou deux mois, mais je finis toujours par rechercher cette sensation de tabac, son goût et son effet stimulant. Par ailleurs, pour mon travail de recherche et développement, je m’efforce de goûter et d’essayer différents tabacs pour adapter nos produits, tant au niveau du goût que de la concentration en nicotine, en fonction des demandes des différents pays.
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