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Les cigarettes électroniques sont-elles utiles
Alors que les cigarettes électroniques sont largement promues pour aider les fumeurs à se libérer de la cigarette traditionnelle, des chercheurs américains estiment que les vapoteurs sont moins susceptibles d’arrêter de fumer que les autres. Mais là encore, la méthodologie utilisée est plus que fumeuse… Encore une étude qui ne fera pas avancer le débat.
Cigarettes électroniques et sevrage tabagique : les preuves manquent
Les cigarettes électroniques sont des appareils alimentés par batterie qui chauffent la nicotine et les arômes de fournir un aérosol inhalé par l’utilisateur. Souvent promues comme un moyen d’arrêter de fumer, ces e-cigarettes permettent également d’inhaler de la nicotine dans des environnements où les cigarettes traditionnelles sont interdites (même si de nombreux endroits tendent à interdire également son utilisation).
En 2014, la Haute Autorité de santé n’a pas recommandé la cigarette électronique comme un outil d’aide au sevrage tabagique, « car son efficacité et son innocuité n’ont pas été suffisamment évaluées à ce jour« . Elle a néanmoins considéré que « du fait de sa toxicité beaucoup moins forte qu’une cigarette, son utilisation chez un fumeur qui a commencé à vapoter et qui veut s’arrêter de fumer ne doit pas être découragée« . Même chose Outre-Atlantique, ou les autorités sanitaires ont conclu que les preuves étaient insuffisantes pour recommander ces dispositifs pour cesser de fumer. A l’inverse selon la BBC, la Grande-Bretagne serait sur le point d’accorder une autorisation de mise sur le marché pour une e-cigarette dans le cadre du sevrage tabagique.
« 28% d’arrêt en moins avec la e-cigarette »
Dans leur analyse, les chercheurs de l’UC San Francisco ont examiné 38 études évaluant l’association entre l’utilisation d’e-cigarette et l’arrêt de fumer. Ils ont ensuite combiné les résultats de 20 études qui avaient des groupes contrôle de fumeurs n’utilisant pas de cigarettes électronique. Résultat : les chances d’arrêter de fumer étaient de 28 % plus faible chez les fumeurs qui ont utilisé les e-cigarettes, comparativement à ceux qui n’y ont pas eu recours. « Les cigarettes électroniques ne doivent pas être recommandées comme une aide efficace au sevrage tabagique jusqu’à preuve du contraire » conclut ainsi l’un des auteurs le Pr. Kalkhoran. Dans le même esprit, le co-auteur le Pr. Stanton A. Glantz ajoute : « Il est ironique de penser que le sevrage tabagique est une des raisons principales pour utiliser les e-cigarettes, alors que l’effet global conduit à moins, et non plus, d’arrêt du tabac« .
Une méthodologie réellement fumeuse…
Alors réellement inutile pour arrêter de fumer et même contre-productive ? Pas si simple, les études retenues par ces chercheurs américains pouvaient être à la fois des études cliniques ou des études observationnelles (dont la qualité scientifique est moindre) et incluaient à la fois des fumeurs désireux ou non d’arrêter. La sélection des études même est discutable, comme le souligne le Prof. Peter Hajek, directeur de la Tobacco Dependence Research Unit, Queen Mary University of London (QMUL). Sur ScienceMediaCenter, il déclare que dans les études retenues, seuls les patients qui fumaient et qui par le passé ont utilisé une e-cigarette ont été retenus. De fait, tous ceux qui avaient réussi à arrêter de fumer ont été exclus. Pour mieux comprendre le biais méthodologique, le Pr Hajek avance une analogie : « Imaginez que vous prenez des gens qui ne savent absolument pas jouer du piano. Parmi eux, certains ont eu une leçon de piano dans le passé. Les personnes ayant acquis des compétences sont exclus de l’échantillon. Seuls ceux sans espoir pour cette pratique sont retenus. Vous comparez alors la capacité musicale de ceux qui ont suivi une leçon de piano et ceux qui n’en ont jamais pris. Vous trouvez une différence. Et ainsi cela vous permet de conclure que prendre des leçons de piano nuit à l’habileté musicale. La raison de cette conclusion est que tous ceux dont les compétences ont été améliorées grâce aux leçons n’ont pas été retenus dans l’échantillon. Mais tout cela est maintenu dans l’ombre aux yeux des lecteurs« .
Des résultats contradictoires et des travaux de piètre qualité…
Donc, encore une fois, tout comme pour de précédents travaux, la méthodologie de l’étude est problématique et l’on peut réellement se demander comment des revues de référence avec des comités de lecture publient aussi facilement des travaux aussi discutable dès qu’ils traitent d’un sujet « à la mode ». Cette étude ne manquera pas de susciter la controverse et ne permettra certainement pas de trancher sur un sujet devenu passionnel.
Les cigarettes électroniques sont-elles utiles
A l’inverse, d’autres études avaient témoigné d’une baisse du nombre de cigarettes fumées grâce à la cigarette électronique (pas d’arrêt du tabac). Plus globalement si la cigarette électronique réduisait les chances d’arrêter de fumer, les taux d’échecs auraient dû s’envoler à mesure que les cigarettes électroniques étaient de plus en plus vendues. Or c’est l’inverse qui se passe en Angleterre. Et même chose en France : en février 2015, une enquête de l’Inpes déclarait que grâce à son utilisation, 400 000 Français ont réussi à arrêter de fumer, au moins temporairement.
Le débat reste donc ouvert… mais manque cruellement d’études de qualité pour que l’on puisse arriver à des conclusions définitives.