Sans illusion sur ses chances de succès, mais avec l’espoir de secouer le cocotier, la sénatrice EE-LV Esther Benbassa défend ce mercredi devant la Haute Assemblée une proposition de loi autorisant la vente au détail de cannabis, via un monopole confié à l’administration. Son idée ? Légaliser le commerce à usage récréatif, avec un réseau de débitants sur le modèle du tabac, tout en interdisant la publicité et la vente aux mineurs.

«C’est la première fois qu’une telle proposition est débattue dans ce temple du conservatisme», explique la sénatrice du Val-de-Marne, qui connaît le poids du«tabou» parmi les élus français. Néanmoins, même hostiles à une légalisation contrôlée, des sénateurs actent l’échec de la prohibition, comme on l’a vu en commission des affaires sociales, le 28 janvier.

«J’étais opposé à la légalisation, mais depuis dix ou quinze ans, le contact des réalités de terrain m’a fait évoluer, a ainsi expliqué Michel Amiel (Bouches-du-Rhône, non inscrit). Force est de reconnaître que, pour acheter la paix dans les quartiers, nous avons collectivement fermé les yeux sur l’économie parallèle qui s’est développée. A moins de mettre en place une politique pénale particulièrement dure, ce qui est irréaliste, il est impossible de revenir en arrière.» Gilbert Barbier (Jura, UMP) admet que «la répression actuelle n’est pas satisfaisante». Il reconnaît que «la légalisation permet un encadrement». Mais tout en conservant l’interdit, il préconise une dépénalisation, en sanctionnant le premier usage par une contravention, à la place de la prison. «Pour les élus locaux confrontés aux trafics, il faut bien reconnaître que la répression est un échec», a abondé Laurence Cohen (PCF, Val-de-Marne). Mais pour elle, Benbassa «met la charrue avant les bœufs» : mieux vaut commencer par une dépénalisation «qui maintient l’interdit». Pour Gérard Roche (UDI, Haute-Loire), «il faut imposer l’arrêt du marché clandestin du cannabis». Et si Michel Vergoz (PS, la Réunion), pharmacien, se dit «pour une délivrance encadrée», il ne votera pas le texte pour ne pas s’exposer, «en tant que vendeur potentiel, à un conflit d’intérêts».

Au-delà de ces nuances, une légalisation hérisse nombre d’élus, dont Michel Forissier (UMP, Rhône) : «Notre société a besoin de repères. On le voit avec l’alcool et le tabac, il est très difficile de faire machine arrière une fois qu’une drogue a été légalisée.» Benbassa soutiendra que, dans une France championne de la consommation malgré une législation parmi les plus répressives, mieux vaut le«pragmatisme». «Devenu une substance facilement disponible, ce produit entretient une économie parallèle aux enjeux financiers considérables et gangrène la vie de certaines cités», fait valoir le sénateur EE-LV Jean Desessard. L ’objectif consiste à sortir ce marché de la clandestinité. Soit l’optique suivie par le Colorado, l’Etat de Washington et l’Uruguay, et suggérée récemment par la députée socialiste Anne-Yvonne Le Dain et Terra Nova, groupe de réflexion proche du PS.

Source : http://www.liberation.fr/societe/2015/02/03/legalisation-du-cannabis-une-proposition-de-loi-debattue-au-senat_1195034